Y a pas à dire...

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Bernhard Schlink

À la mort de sa femme Birgit, l’ancien libraire Kaspar découvre dans un manuscrit qu’elle préparait l’existence d’une fille qu’elle a laissée à peine née derrière elle en fuyant l’Allemagne de l’Est. Alors que la retraite devait lui permettre une vie rangée, Kaspar commence une enquête qui même à des réalisations sur des acrimonies, jusqu’à une réelle animosité, de ces Allemands rabaissés par leurs nouveaux concitoyens de l’Ouest depuis la réunification. Toujours sous-estimés pour leur peu d’enthousiasme à embrasser les bienfaits du capitalisme, ainsi que ses demandes. Privée du précédent état protecteur, et constamment méprisée pour son manque d’esprit d’initiative, les extrêmes prolifèrent, surtout ceux de l’extrême droite, dans la désormais révolue partie communiste. Kaspar qui a retrouvé la fille de Birgit, Svenja, dont le mari impose aux siens les différents rituels néo-nazis de leur communauté völkisch, réussit à inviter chez lui pendant les vacances scolaires leur toute jeune fille Sigrun afin de lui montrer un monde autre de l’autre côté de l’ancienne division.

« Birgit venait de RDA. À l’été 1964, lors d’échanges à Berlin entre étudiants de l’Est et de l’Ouest, Kaspar en était immédiatement tombé amoureux. Ils avaient décidé qu’elle fuirait avec lui de l’autre côté du Mur ; elle ne lui avait jamais dit qu’elle abandonnait une fille dont elle venait d’accoucher. Il le découvre à travers une ébauche de roman où Birgit raconte à la première personne combien elle voulait retrouver sa fille. Kaspar part, à sa place, la chercher. » 1

« « La Petite-Fille » s’ouvre sur la mort de Birgit. Kaspar découvre alors que son épouse, née à l’Est et passée à l’Ouest en 1965 pour vivre avec lui, avait eu une fille, abandonnée de l’autre côté du Mur. Il retrouve cette femme et sa fille. Sigrun, 14 ans, est élevée dans le milieu völkisch, un courant nationaliste perméable à l’idéologie nazie, bien vivante. L’émotion naît de la douceur et de l’habilité avec lesquelles Kaspar tente d’apprivoiser cette « petite-fille ». » 2

« Loin des batailles napoléoniennes, on évolue ici sur un autre terreau favori de la littérature romanesque ou théâtrale : les intrigues familiales, les enfants perdus et récupérés à l’issue de quêtes ménageant bonheur et déception, les retrouvailles dramatiques avec des parents disparus. Bernhard Schlink, un des écrivains allemands contemporains les plus importants, auteur notamment de ce succès mondial que fut Le Liseur (Folio, 2014), a su peindre une fresque aux dimensions de l’Allemagne d’après-guerre. Qui veut comprendre l’Allemagne contemporaine devra désormais lire La Petite-Fille. L’inquiétude qui imprègne tient moins à l’oubli sans regrets de la République démocratique allemande (RDA) qu’à la vitalité inattendue de l’idéologie nazie, y compris dans les générations montantes. » 3

« Illustration de sa volonté de rupture avec la RDA, Birgit cachera l’existence de sa fille Svenja à Kaspar, son compagnon de route. Bernhard Schlink ne s’attarde pas sur Svenja, mais plutôt sur la fille de cette dernière, Sigrun, pour dépeindre l’environnement d’extrême droite dans lequel cette dernière grandit et les démons néonazis qui refont surface dans une Allemagne contemporaine. Le cadre familial de Sigrun, c’est une communauté völkisch inspirée par un mouvement né à la fin du XIXe siècle, xénophobe, parfois antisémite, admiré par les tenants du Troisième Reich. » 4

« Il y a quelque chose de feutré, d’insidieux, dans ce Liseur à rebours, où un adulte offre sa culture à une enfant. Les livres baignent cette histoire moderne, éternelle. Docteur Faustus, L’Île aux Trésor. La musique joue son rôle, le deuxième mouvement de la Quatrième symphonie de Brahms, la Sonate nº29 de Beethoven. Apparaît aussi le peintre Joseph Cornell. Le film policier Velours noir semble avoir été inventé. Tout comme Birgit, hélas, cette demoiselle que Kaspar aborde en lui disant : « Tu es la plus belle fille que j’ai jamais vue. » Les écrivains ont tous les droits. » 5

La Petite-fille (Die Enkelin) de Bernhard Schlink, traduit de l’allemand par Bernard Lortholary, Éditions Gallimard

1 Fabienne Pascaud, Télérama, 22 février 2023

2 Virginie Bloch-Lainé, Elle, 16 mars 2023

3 Nicolas Weill, Le Monde, 18 février 2023

4 Stéphane Bussard, Le Temps, 22 avril 2023

5 Éric Neuhoff, Le Figaro, 2 février 2023

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