Y a pas à dire...
... ou mieux dit par d'autres
Adèle Van Reeth
Parler longuement d’une perte, d’une disparition, d’un vide, n’est pas chose facile, les cent-quatre-vingt-dix-huit pages de cet essai y arrivent pourtant. Les émotions considérées à travers la littérature et la philosophie. Évoquer l’absence, c’est bien sûr l’associer aux présences qui la confirment. Aux paroles affectées, banales, mièvres, voire inutiles, qui la ravivent trop souvent. Les expressions toutes faites offertes par ceux qui croient l’atténuer ne sont que des résonances sans effet. Lorsqu’à l’évidence de cette absence on se résigne sur plusieurs mois, qu’on s’y prépare alors qu’on espère toujours la conjurer, sa survenue reste encore une méchante stupeur. Les obligations du quotidien qui reprennent le dessus ne la rendent pas moins brûlante, seulement plus gérable d’abord, plus acceptable peu à peu. Une naissance qui s’annonçait, les demandes de la maternité qui en découlent, poussent à la surmonter. La mort remplacée aussi vite par une nouvelle existence n’est pas qu’une ironie de la vie, elle est un soutien à point nommé. Un chat, imposé, qui force son insistance dans la place autant que dans l’affection de sa maîtresse s’y emploie aussi, sans un quelconque état d’âme.
« Déjà autrice d’un essai où elle traversait La Vie ordinaire comme expérience et comme problème (Gallimard, 2020), elle signe un nouveau livre intitulé Inconsolable, récit consacré à la disparition de son père. Avant d’être emporté par une tumeur au cerveau, celui-ci avait été un archiviste passionné par son métier, un géant ironique qui aimait jouer de la guitare, écouter les Beatles et lire des BD. D’une plume robuste et émue, sa fille lui rend hommage. Délaissant la théorie, elle essaie de consigner les traces, d’affronter la perte, d’habiter sa tristesse. » 1
« Inconsolable est traversé par cette question : comment continuer à vivre ? Il n’apporte pas vraiment la réponse. Un chat arrive dans la maisonnée. Elle n’en veut pas. On le lui a offert alors qu’elle n’a rien demandé. Elle le tolère, fait avec. Ce chat représente la vie, les contraintes que l’on doit continuer à assumer alors que l’on ne voudrait avoir affaire qu’à son chagrin. » 2
« En cinq saisons qui constituent le cadre chronologique en même temps qu’elles découpent l’ouvrage, en un an, les adieux se font progressivement, l’écriture court en parallèle. Mais elle n’est, contrairement à bien des idées reçues, d’aucun secours. Les idées reçues, d’ailleurs, dont on se satisfait souvent par confort ou par paresse, ou les deux, Adèle van Reeth les conteste, sans ignorer que les mots sont rarement à la hauteur de la mort qu’elle voudrait « saisir à la racine ». » 3
« Toute femme, mère et philosophe qu’elle est, Adèle Van Reeth reste la fille de son « petit papa », qui avait 65 ans, le cœur « en parfaite santé » et une sale tumeur au cerveau. Pendant deux ans, à plus de 700 kilomètres de distance de sa fille, il s’est éteint doucement dans une chambre d’hôpital aux murs roses. Son père est mort, voilà, elle n’en guérira pas. La brèche restera ouverte et rien ne la comblera. » 4
« Son nouveau récit, Inconsolable, est un livre, à nouveau, aussi hybride que très attachant, mêlant souvenirs personnels et réflexions littéraires et philosophiques qui selon la bonne règle de la philosophie ouvrent à de nombreuses réflexions plutôt qu’à des réponses. Le livre parle de la mort de son père, Benoît Van Reeth, archiviste, décédé en 2021 d’un cancer à 65 ans. Et sa fille en est « inconsolable ». Son chagrin et son deuil passent par la littérature et la philosophie dans l’espoir – vain – d’y trouver une consolation, comme un enfant se réfugie dans les bras de sa mère. Mais les mots des autres ne consolent pas. » 5
Inconsolable d’Adèle Van Reeth, Éditions Gallimard
1 Jean Birnbaum, Le Monde, 7 avril 2023
2 Aurélie Marcireau, Lire Magazine Littéraire, février 2023
3 Pierre Maury, Le Soir, 1/2 avril 2023
4 Marine de Tilly, Le Point, 2 mars 2023
5 Guy Duplat, La Libre Belgique, 18 janvier 2023
