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Michelle Perrot

Entre le cours Bossuet et ses parents athées, et même franchement anticlérical pour son père, Michelle Perrot aime à évoquer une éducation baroque. C’est une leçon sur les manuscrits de la Mer Noire par un professeur qui lui ouvre son intérêt sur la Bible du point de vue historique. Ses années d’université la font évoluer d’une curiosité méthodique pour ces textes bibliques aux études du monde ouvrier, jusqu’à adhérer un temps au parti communiste dans sa contestation de la guerre d’Algérie. Mais c’est l’absence de l’histoire des femmes qui lui saute bientôt aux yeux. Sa lecture du Deuxième Sexe de Simone de Beauvoir lui introduit une évidence : les femmes ont une histoire qui est trop facilement passée à la trappe. Le livre d’entretiens qu’elle propose avec un de ses anciens élèves, Eduardo Castillo, réfléchit ainsi au rapport entre les sexes à travers les âges, ainsi que sa redéfinition durant les années 70 dans le monde occidental. Le temps des féminismes s’inscrit dans une vraie pensée comme thème majeur de l’ouvrage. Les féminismes du titre sont au pluriel parce que les problèmes que les femmes traversent sont pluriels. Le récent mouvement #MeToo qui les projette au grand jour redéfinit désormais le corps intime féminin dans tous les domaines (social, politique, économique). Le pouvoir nouveau des femmes de dire « si je veux, quand je veux » bouleverse fondamentalement leurs interactions avec les hommes.

« Dans cette histoire des femmes et du féminisme, celle qui incarne dans le champ historique cette révolution du XXe retrace son parcours : le choc Beauvoir, son travail sur les ouvriers, 1968 et les mouvements de libération des femmes, et la prise de conscience qu’il faut s’intéresser spécifiquement à leur histoire. Michelle Perrot parle du passé mais également du présent et du féminisme futur. » 1

« Paradoxalement, c’est parce qu’il est bref – deux cents pages – que le dernier livre de Michelle Perrot fait mouche : de sa concision émergent une humilité et une forme de gratitude qu’il fait bon entendre, à l’heure où tant de discours péremptoires, particulièrement sur les femmes, se contentent d’asséner au lieu de chercher à comprendre. » 2

« À propos des débats qui traversent la société aujourd’hui, l’historienne de 94 ans montre d’ailleurs plus d’ouverture d’esprit que bien des commentateurs plus jeunes qui s’érigent en grands penseurs de notre époque. « Refuser les mots ‘’décolonial’’, ‘’woke’’, ‘’cancel culture’’, ‘’intersectionnalité’’, écrit-elle, dénoncer d’emblée leur caractère pervers, c’est refuser le débat, refuser qu’il ait lieu, refuser les mots pour disqualifier la discussion elle-même. Ce n’est ni une attitude historique, ni une attitude scientifique. » » 3

« L’éducation, le travail, les droits politiques et enfin le corps. C’est peu ou prou dans cet ordre que les revendications et le progrès a eu lieu. Jusqu’au mouvement #MeToo qui enchante l’historienne nonagénaire : « La formule est très belle, Me, moi comme individu, et Too, aussi, les autres ; elle sonne la fin de la distinction entre le public et le privé. Et ce n’est plus seulement ‘’un enfant si je veux…’’ mais ‘’l’amour si je veux…’’ » » 4

Le temps des féminismes de Michelle Perrot avec Eduardo Castillo, Éditions Grasset

1 Aurélie Marcireau, Lire Magazine Littéraire, février 2023

2 Valérie Lehoux, Télérama, 18 janvier 2023

3 Nathalie Collard, La Presse, 9 avril 2023

4 Marianne Payot, L’Express, 2 mars 2023

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