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Louis-Ferdinand Céline

Bien sûr, il y a un après Céline où le français n’est plus jamais écrit comme avant, où la littérature accueille la rue sans plus s’en empêcher, et il y a un Céline celtique avec La Volonté du Roi Krogold et La Légende du Roi René dont des scènes et des ébauches se retrouvent parmi les plus de 6000 pages restées dans une malle depuis sa mort. Au-delà du rocambolesque de leur redécouverte qui remonte les mauvais effluves de l’histoire, immanquablement rappelés par les odieux pamphlets dès que l’auteur est mentionné, leur lecture n’en est pas moins surprenante. Non pour leur qualité littéraire qui apparaît comme une longue ribambelle de fausses tournures moyenâgeuses et d’injures au médiéval réarrangé, mais pour l’intérêt réellement affirmé, alors que seulement évoqué auparavant, pour ces récits d’ardeurs guerrières et de furieux batifolages sexuels aux temps des bardes. 

« Aussi inattendus que stupéfiants, ces deux textes sont une « romance », une variation d’inspiration médiévale à laquelle Céline tenait beaucoup, désespéré à l’idée que l’ensemble du manuscrit ait disparu – mais il en avait préalablement injecté des passages dans ses autres romans. Deux textes sonores, faisant la part belle aux insultes et à la cruauté, aux « sarabandes », au fantastique merveilleux et aux personnages. » 1

« Céline y met au point un néo-vieux français pour rendre l’esprit légendaire des grands siècles chrétiens, dans un récit riche en filtres et en flamberges, en devins et en sorcières, en loups et en destriers, en oiseleurs et en pucelles, en crânes ouverts et en « besaces vuides ». » 1

« Mais malgré de belles fusées (comme pour défier la Mort, cette « conarde »), on se demande, devant cet étrange fatras en « style troubadour », si l’écrivain était parfaitement lucide quand il affirmait en 1947 : « Je peux raconter des légendes comme on pisse, avec une facilité qui me dégoûte. » » 3

« Le texte est plus travaillé que sa première version refusée par Denoël en 1933, publié ici sous le titre La Légende du roi René. L’écrivain y invente une langue, mais celle-ci apparaît comme une reconstitution médiévalisante assez artificielle. Dans l’ensemble, cette fantaisie bardique, mis à part quelques moments éclatants, est fort ennuyeuse. » 4

« La principale qualité de ces inédits serait donc d’en manquer tout en n’en étant pas dépourvus. Ce sont deux histoires complètement inachevées de guerre et d’amour médiévaux : la Légende du Roi René est antérieure à la Volonté du Roi Krogold et plus classique même si, dès la page une, pour exprimer qu’on s’est trompé, Céline écrit : « On avait cru de travers ». » 5

La Volonté du Roi Krogold suivi de La Légende du Roi René de Louis-Ferdinand Céline, Éditions Gallimard

1 Gilles Heuré, Télérama, 3 mai 2023

2 Claude Arnaud, Le Point, 27 avril 2023

3 Grégoire Leménager, L’Obs, 18 mai 2023

4 Tiphaine Samoyault, Le Monde, 12 mai 2023

5 Mathieu Lindon, Libération, 13/14 mai 2023

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