Y a pas à dire...

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Pierre Assouline

Artem, le poisson en hébreu, est le surnom du champion de natation Alfred Nakache qui accumule les victoires dans les années 1930 avant sa plus belle aux Jeux Olympiques de Berlin en 1936. Juif algérien né à Constantinople, il nage sous les couleurs de la France, encore même durant les débuts de Vichy. De « sportif idéal » il devient pourtant « le juif qui pollue les bassins » jusqu’à son arrestation par les Nazis qui gardent en travers de la gorge son triomphe pendant leurs J.O. Probablement dénoncé à la Gestapo par son grand rival dans les bassins, Jacques Cartonnet, entré dans la milice et jaloux de ses succès, il est envoyé à Auschwitz avec sa femme et sa fille qui, elles, n’en reviendront pas. « Si je le revois, je le tue » tourne alors en obsession après son retour, seul, de déportation. 

« Dès l’ouverture de ce récit qui se dévore, l’écrivain, journaliste et biographe décrit un homme bien : Nakache ne se hausse pas du col et il est animé d’une haute exigence morale. Quant à la sensation qu’a un nageur dans l’eau d’être « détaché de l’ordinaire de la vie », Assouline, sans doute nageur lui-même, s’attache à la retranscrire. » 1

« Auteur de Vies de Job, Pierre Assouline compare le nageur avec le personnage de la Bible hébraïque : l’un dans les latrines d’Auschwitz, l’autre sur son tas de cendres. » 2

« En sortant de la « tombe », il avait perdu son poids et ses muscles d’athlète olympique, sans savoir encore qu’il avait surtout perdu sa femme et sa fille. Il reprit ensuite la compétition, participa en 1948 aux épreuves de water-polo des JO de Londres, partit enseigner l’éducation physique à la Réunion, et puis se retira près de la mer, Cerbère (Pyrénées-Orientales). » 3

« Aux couloirs des piscines succéda celui de la déportation. Son principal adversaire, Jacques Cartonnet, qui lui vouait une haine jalouse, devenu milicien, fit largement le nécessaire, dénonçant le juif et le résistant. Cartonnet s’en sortit. Nakache survécut à Auschwitz, mais y perdit sa femme, Paule, et Annie, sa petite fille. Il s’était juré de tuer son dénonciateur. Le jour où il se retrouva en mesure d’accomplir sa vengeance, il préféra y renoncer. » 4

Le Nageur de Pierre Assouline, Éditions Gallimard

1 Virginie Bloch-Lainé, Elle, 20 avril 2023

2 Simon Bentolila, Lire Magazine Littéraire, avril 2023

3 Jérôme Garcin, L’Obs, 30 mars 2023

4 Pierre Vavasseur, Le Parisien Week-End, 2 juin 2023

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