Y a pas à dire...

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Philippe Djian

Hommes sans grande motivation, en interrogation perpétuelle sur le monde des femmes, les héros de Philippe Djian se laissent porter par les événements dont elles seules maîtrisent le cours. Les dits événements toujours dans des lieux génériques et sous des climats peu cléments. Le sexe apparaît moins prévalent dans les derniers romans, l’âge de l’auteur l’ayant probablement assagi, quand il n’est pas totalement inopérant après une vasectomie salopée dans Sans Compter. Les ébats entre les draps se raréfiant, le temps est-il venu de simplifier la narration ? L’ellipse est dès lors bien utile pour faire court et aller directement au but. Les femmes, donc ! Il y en a pour tous les désirs, platoniques, ce qui va sans dire vu le handicap de Nathan. La femme de celui-ci, sa belle-mère, poète fulgurante et propriétaire du journal local, une revenante d’amnésie sur qui il enquête pour le même journal, et enfin la femme du sénateur du coin, le vilain de l’histoire qui a le bon goût de se prendre une décharge électrique fatale alors que la combine immobilière agressive dont il est l’inspirateur en chef est sur le point de réussir. Toutes les quatre se le disputent à leur manière bien que sachant à des degrés divers son incapacité physique, ou la soupçonnant. Lui, il les protège toutes de son mieux, des occurrences étranges se produisent dans les environs. 

« Nathan, le narrateur de ce nouveau Djian, vit avec sa femme Sylvia et sa belle-mère Gaby, qu’il admire de façon inconditionnelle. À ses yeux, Gaby est l’une des meilleures poètes de sa génération et dès qu’elle fait une lecture publique quelque part, on peut être sûr d’une chose : il sera dans l’assemblée. Mais Gaby est bien plus qu’une poète. Depuis la mort de son mari Robert, survenue quatre ans plus tôt dans des circonstances assez étranges, elle est aussi la principale actionnaire de L’Éveil, le journal régional pour lequel travaille Nathan. » 1

« Après le décevant Double Nelson, improbable roman d’amour sur fond d’espionnage, lequel annonçait un tournant dans la carrière du prolifique romancier et parolier, Philippe Djian revient plus en forme que jamais. Maniant savamment l’ellipse, le non-dit et la description succincte propre aux diverses interprétations, l’auteur livre un récit aussi ludique que captivant sur les jeux de pouvoir et les inégalités sociales. Tandis qu’il emprunte allégrement au roman noir et au thriller psychologique, Djian ajoute habilement une note fantastique, évoquant ainsi au passage Maupassant, afin de plonger avec délice dans les abîmes de la psyché de Nathan jusqu’au dernier coup de théâtre. » 2

« Une vingtaine de romans plus tard, nous retrouvons donc notre auteur. Devenu septuagénaire, ce dernier publie « Sans Compter », une histoire nocturne et verglacée où l’on boit et l’on meurt comme si de rien n’était. Un livre pas banal qui commence façon Nouveau Roman et finit comme un polar. Du Djian tout craché, en somme. D’ailleurs, l’auteur le dit lui-même : il n’aime pas les histoires « où l’écrivain s’endort sur son intrigue ». » 3

« Comme toujours, on ne sait pas dans quelle ville se passe cette histoire, mais il fait froid. Les dialogues sont fondus dans la narration (sans tirets) pour accélérer la vitesse du récit. Il n’y a pas de chapitres ; tout s’enchaîne très vite comme dans une série télévisée. Les informations sur les personnages sont distillées au compte-gouttes. » 4

« Sans Compter met en scène un journaliste dans le décor précis de ses activités locales, avec le poids de la politique ou les potins de notables : cela ressemble à la réalité, mais c’est autre chose encore. « Cela tient au principe que, de toute façon, l’écrivain tire toujours la couverture à soi, explique l’auteur : c’est sa musique qui compte d’abord. » » 5

Sans Compter de Philippe Djian, Éditions Flammarion

1 Karine Vilder, Le Journal de Québec, 15 avril 2023

2 Manon Dumais, Le Devoir, 15 avril 2023

3 Laurent-David Samama, Les Échos, 2 mars 2023

4 Frédéric Beigbeder, Le Figaro Magazine, 7 avril 2023

5 Fabrice Gabriel, Le Monde, 2 juin 2023

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